Ord Om ordet

1. søndag i advent A

Prekenen ble holdt på fransk. Du finner en engelsk oversettelse ved å trykke på ‘English’ øverst til venstre på skjermen. 

Isaïe 2:1-5: Ils n’apprendront plus la guerre.
Romains 13:11-14: La nuit est bientôt finie.
Matthieu 24:37-44: Les gens ne se sont doutés de rien.

Après la cacophonie des lectures des dernières deux semaines de l’année liturgique, évoquant la fin violente de ce monde dans un crescendo impitoyable, l’introït du premier dimanche de l’Avent s’élève comme une musique venue d’un autre monde. L’entendant on se sent comme un marcheur en montagne qui s’est égaré du sentier; qui, à la tombée du jour, ne sait plus où il est et avance la mort dans l’âme, effrayé par les phantasmes de la nuit. Toute espérance perdue, il s’aperçoit d’une faible lueur qui le remet en marche malgré lui et finit par révéler l’impossible: c’est une bougie allumée à la fenêtre d’une maison amie! Ce qu’elle promet n’est pas que de la sûreté. Le marcheur sait qu’il se retrouvera à l’instant à table, ses vêtements changés, entouré de présences chères qui disent: ‘On t’a tant attendu! Maintenant tu resteras ici, chez nous!’ Il n’a plus besoin des directives du psalmiste. Son âme s’élève tout seule, ne demande qu’à chanter: ‘Mon Dieu, je compte sur toi; je n’aurai pas à en rougir. De ceux qui t’attendent, aucun n’est déçu.’

L’Avent nous proclame la possibilité d’un renouvellement universel. Il ne s’agit pas d’une conception cyclique comme celle de la religion cananéenne, dans l’optique de laquelle la terre renaquît annuellement au temps des semences, permettant aux hommes aussi un réveil extatique, manifeste dans l’excès sensuel. Le Noël sécularisé — est-ce pour cacher sa tristesse? — a bien de points en commun avec ce culte. Il importe d’autant plus d’insister sur la différence chrétienne. Le renouveau qu’annonce l’évangile n’est pas un rechargement de batteries. Il s’agit d’une jeunesse restaurée. Or, le contraire de la jeunesse, on n’a pas besoin d’être vieux pour le connaître. J’étais touché l’autre jour (un peu troublé aussi) en lisant une lettre de Marie Noël à son fidèle ami, l’Abbé Mugnier. La poétesse allait mal. Était-ce à cause de ses désordres de santé? Non, la raison en fut bien plus profonde. ‘Je souffre d’un vieillissement’, écrivit-elle, et s’expliqua: ‘la source de ma musique se tarit.’ Marie Noël traversa sa crise en 1928. Cette année-là elle avait plus ou moins l’âge que j’ai aujourd’hui. Je me flatte de penser qu’en parlant de vieillissement elle ne visait pas juste la proximité de la mort mais une espèce de fatigue d’âme, une paralysie intérieure. Cette espèce de vieillissement existentiel est un malaise épidemique aujourd’hui. On le rencontre même chez de jeunes gens. Il n’est pas rare de rencontrer des adolescents abattus qui ont l’impression d’avoir déjà vécu cent ans, ayant perdu le goût de vivre, ressentant une nostalgie du néant. C’est le gel au coeur de l’arbre. 

Dieu s’est fait homme pour nous guérir de ce mal-là. Pour nos ancêtres dans la foi, ce fait était une évidence. Ils habitait un monde crépusculaire et le savaient. Songez à l’hymne que nous chantons aux vêpres pendant l’Avent, un texte probablement du 7ème siècle. La troisième strophe, d’une rare beauté, exprime une intuition profonde:

Quand le monde penchait vers sa nuit
tu sortis comme un époux du lit nuptial:
la très pure clôture de celle
qui est à la fois Vierge et Mère. 

Le sein de la Mère de Dieu est conçu comme ‘lit nuptial’ puisque c’est là que la divinité du Verbe s’unit amoureusement à notre nature humaine. Cette nature, sombrant dans le péché, hantée par la mort, fut alors investie d’une étincelle de gloire qui ne cesse de nous interpeller, ne nous laisse pas tranquilles. Elle nous rappelle ce dont notre être, assoiffé d’un glorieux rajeunissement, est capable. J’aime une annotation faite par le P de Lubac, ce grand théologien du siècle dernier, à une homélie d’Origène. Origène explique un verset de l’Exode où le Seigneur promet à Israël le don de la manne. La phrase, ‘Au matin, ils se rassasieront de pain’, l’intrigue. Il voit là une référence au Christ, incarné et eucharistique, comme l’éternelle Étoile du matin. A ce propos le Père de Lubac se permet, dans un apparatus autrement austèrement scientifique, cette remarque fervente:

[Pour Origène] le Christ refait au monde vieillissant une perpétuelle jeunesse. C’est la traduction plus réfléchie du sentiment d’allégresse qui soulevait les premières communautés chrétiennes, conscientes d’être les héritières de la plus antique tradition et cependant d’instaurer un monde nouveau. Il dépend encore du chrétien d’aujourd’hui que le christianisme apparaisse à tous comme la jeunesse du monde et son espoir.’

Voici, frères et soeurs, notre programme: instaurer un monde nouveau, être porteurs d’espoir, rejeter la séduction de la nuit et marcher résolument vers l’aurore. Vivant ainsi, nous connaîtrons l’allégresse de la foi, une joie qui n’a rien de factice dans la mesure où nous correspondons au défi que l’évangile nous lance pendant l’Avent. Laissons-nous restaurer par la grâce de l’incarnation. Dieu s’est fait homme non pas pour se faire admirer. Il était déjà suffisamment admirable. Il vint à nous pour transformer nos vies. Que notre âme donc s’élève et prie: ‘Dieu, tu es mon Dieu. Je compte sur toi. Rends moi digne des promesses du Christ!’ N’hésitons pas. L’hésitation est vieille, nocturne. Cette prière mise dans notre bouche par l’Église réjouira le coeur de Dieu et sera exaucée.  

 

Ad te levavi animam meam, Deus meus, in te confido, non erubescam. Neque irrideant me inimici mei, etenim qui te expectant non confundentur.

Til deg har jeg oppløftet mitt hjerte, min Gud. Jeg stoler på deg, og skal ikke ha grunn til å rødme. Heller ikke vil mine fiender spotte meg; for nei, enhver som venter på deg skal ikke stå til skamme.

Introitus for første søndag i advent, basert på Salme 24:1-3.