Words on the Word

27. Sunday B

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Genèse 2:18-24: Il n’est pas bon que l’homme soit seul.
Hébreux 2:9-11: Il a fait l’expérience de la mort au profit de tous. 
Marc 10:2-16: Au commencement Dieu les créa homme et femme.

L’évangile de ce dimanche est susceptible de faire gémir secrètement le prédicateur. Le sujet est délicat; il touche beaucoup d’hommes et de femmes intimement; il risque de déclencher des larmes, voire de la colère. La tentation est donc grande de ne pas en parler, de causer plutôt de la pluie et du bon temps. Mais ce n’est pas une option. L’Évangile est une parole de vie aussi quand, exigeante, elle révèle nos manquements.  

Pour bien comprendre la Bible, il faut la lire comme un tout; aussi faut-il résister à la tendance courante de réduire chaque question de principe à une confrontation polémique. Qui aujourd’hui parle encore de principes? On a trop peur d’offenser. L’accent se met systématiquement sur des cas d’exception. Si vous essayez de construire une communauté quelconque vous le constaterez: à peine aurez-vous énoncé votre projet et quelqu’un arrive pour se plaindre de se sentir exclu. Le mantra de notre société, c’est l’inclusion, un but poursuivi largement à partir de critères sentimentaux. Il faut faire de la place pour tous. Mais où? De quel espace, conceptuel ou topographique, parlons-nous? Lorsque le Christ a regardé les gens de son temps, il les a trouvés ‘perdus comme des brebis qui n’ont pas de berger’ (Mt 9.36). Il voulait les réunir autour de lui. Il le veut toujours. Prenons son propos au sérieux. 

Les Pharisiens venaient à Jésus, nous dit le texte, ‘pour le mettre à l’épreuve’. C’est comme quand, plus tard, les scribes viennent demander: ‘Est-il permis de payer des impôts à César?’ Dans les deux cas, Jésus est confronté à des conventions fixées. Dans le premier cas, les braves gens savent: Celui qui ne paie pas d’impôts finit en prison! Dans le deuxième: Bien sûr, un couple doit pouvoir divorcer — le monde n’est-il pas plein de mariages heureusement dissous?

Jésus ne se laisse pas empiéger par la rhétorique pragmatique. Il cherche les principes. Quand il s’agit des impôts il demande: Quelle est la portée légitime du pouvoir de César, et quelle en est sa limite? Quant au divorce, il demande: Qu’est-ce que qu’un être humain et pourquoi existe-il?

Sa réponse à cette deuxième question est magnifique. Être humain, déclare-t-il, c’est pouvoir dire à un autre: ‘Je suis à toi pour toujours!’ C’est conclure une alliance d’amour qui dure toute la vie. Tous nous désirons nous donner pleinement, mais pas tous de la même manière. Lorsque les disciples, ayant entendu ces paroles, remarquent, ‘Si c’est comme ça, il n’est pas expédient de se marier’, la réponse est nette: ‘Tous ne comprennent pas cette parole, seulement ceux à qui cela est donné. Car il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère; il y en a qui le sont devenus par les hommes; et il y en a qui se sont rendus tels eux-mêmes, à cause du royaume des cieux’ (Mt 19.10-12). Les routes sont multiples. La destination est la même. Il s’agit de réaliser dans ma propre vie ce que dit Dieu par Jérémie: ‘Je t’aime d’un amour éternel’ (31.3). S’adonner à un tel amour, c’est permettre que ma réalité se transforme; c’est laisser mon cœur de chair se dilater vers une dimension divine.

Mais pouvons-nous supporter une telle aspiration? Puis-je attendre d’une autre personne qu’elle réponde à ma soif d’éternité ? Permettez-moi de souligner que sur ce point, le mariage chrétien se distingue catégoriquement d’un simple pacte de cohabitation, devenu la norme dans le monde. Lorsque un homme et une femme par la grâce du sacrement deviennent un, leur unité naît en Christ. Elle transcende leurs personnes, leurs humeurs. Les deux sont appelés à incarner ensemble ‘une image de l’amour du Christ pour son Église’, dit la Bénédiction Nuptiale. Ils mettent leur confiance, non seulement l’un dans l’autre, mais dans la fidélité de Dieu, à laquelle ils veulent se conformer. L’amour humain s’ouvre ainsi à l’infini. D’un point de vue pragmatique, se dévouer ainsi peut paraître fou. Si l’on croit en la toute-puissance de Dieu, par contre, c’est logique. Bien sûr, pour que l’alliance dure, l’amour du Christ doit rester le point d’ancrage du mariage, une source toujours nourrissante qui incite à croître dans la liberté, la fécondité, le dépassement de soi — et dans la sainteté.

Cet idéal sublime ne touche pas que ceux qui sont appelés au mariage. Je pense à une expérience marquante de ma propre vie. Elle a eu lieu le jour où j’ai été élu père abbé de ma communauté. Tous mes confrères ont renouvelé leurs vœux ce jour-là en plaçant leurs mains entre les miennes. Je les ai vus venir, du plus jeune au plus âgé, s’agenouiller et dire, ‘Je promets ma fidélité jusqu’à la mort’. C’était bouleversant. Je me suis rendu compte de la dignité de qui offre sa vie comme un don sans limite. Un tel don structure l’existence. Se donner un peu ici, un peu là, ce n’est pas la même chose. Et ne l’oublions pas: Dieu nous appelle à la perfection. Il nous invite à atteindre la mesure de la stature parfaite de Christ (Éph 4.13). Rien de moins. 

Il va de soi que nous, des bonhommes fragiles, ne sommes pas de par nous mêmes à la hauteur d’une telle exigence. Trouvons du réconfort dans la collecte de ce dimanche. Elle mérite d’être mémorisée. Nous demandons à Dieu de nous donner sa grâce ‘bien au-delà de nos mérites’ et même ‘de nos désirs’ — ‘car Dieu est plus grand que notre cœur’ (1 Jn 3.20); ensuite, qu’il ‘délivre notre conscience de ce qui l’inquiète’ et nous donne ‘plus que nous n’osons demander.’ Oui, nous sommes bien autorisés à être aussi audacieux. J’ai commencé en évoquant le défi de construire une communauté humaine. L’Église est une communion où nous sommes tous, sans exception, des pécheurs et tous, sans exception, appelés à la sainteté. Voilà un double principe à la fois de cohérence et d’inclusion hospitalière qui se laisse appliquer aussi à nos relations, à nos appartenances particulières. L’ange a dit à Marie: ‘Rien n’est impossible à Dieu’ (Luc 1.37). Mettons toute notre confiance en lui. Amen. 

 

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Genesis 2:18-24: It is not good for man to be alone.
Hebrews 2:9-11: He had to experience death for all mankind. 
Mark 10:2-16: From the beginning God made them male and female.

The Gospel we have heard might provoke in the preacher’s heart of hearts a silent groan. The topic is incendiary. It touches the lives of many women and men intimately, painfully. It is apt to call forth variously tears and rage. It is tempting, then, to leave it untouched, to speak instead about the weather. But that is no real option. When we hear the Gospel read at Mass, we respond by acclaiming: ‘Praise to you, Lord Jesus Christ!’ Christ’s word is life not least when it proves itself demanding and reveals our shortcomings.

Of course, to understand it well we must read Scripture as a whole, in context; we must resist the tedious tendency of our time to reduce matters of principle to confrontational polemics. Who these days still talks about principles? Try building any kind of community now. You will hardly have had time to articulate your project before someone turns up complaining about feeling excluded. ‘Inclusion’ is our society’s mantra; sentiment is its guiding star. Thereby the very concept of belonging is dissolved into vague exhortations to provide room for all. But room in what sense? What in fact is the reality, conceptual or topographical, into which all are to be included?

When Christ walked among us and saw the people of this earth, he was seized with compassion, for they ‘were lost, like sheep without a shepherd’ (Mt 9.36). He proposed to gather them into one, around himself. That remains his proposition. We ought to take it seriously.

When the Pharisees come to see Jesus in the text we have read, it is in order to ‘test’ him. It is as when, later, some scribes come and ask, ‘Is it licit to pay taxes to Cesar?’. In both cases Christ is confronted with fixed conventions. Everyone knows that people who don’t pay taxes end up in prison! And everyone takes it for granted that couples can get a divorce — is the world not full of happily dissolved marriages?

The Lord does not let himself be entangled in the cobweb of pragmatic debate. Instead he looks dispassionately at premisses and principles. In the first case he asks: What is the remit and limitation of Caesar’s legitimate claims? In the second: What is a human being and for what purpose does it exist?

His answer to this second question is magnificent. To be a human being is to say to another: ‘I am yours for ever’; it is to enter a life-long compact of love. We all, says Christ, long to give ourselves fully, though not all in the same way. When the disciples heard his words about marriage, they riposted cynically: ‘It is better, then, for a man not to marry’, as if the Son of God had told some sort of joke. Only to be told: ‘Not all can receive this saying, but only those to whom it is given. For there are eunuchs who have been so from birth, and there are eunuchs who have been made eunuchs by men, and there are eunuchs who have made themselves eunuchs for the sake of the kingdom of heaven’ (Mt 19.10-12).

There are many pathways but a single goal: the realisation in our own lives of the word the Lord uttered through Jeremiah: ‘I have loved you with an everlasting love’ (31.3).

To give myself up to that kind of love is to be transformed. It is to let my heart of flesh expand to divine dimensions.

But can we sustain such expectation? Is it possible, responsible to presume that another will answer my thirst for eternity? Here we need to be cautious and insist that the Christian notion of marriage differs categorically, at this point, from the transient contracts of cohabitation that have become the world’s norm. When a woman and a man by a sacramental bond become one it is because the unity between them unfolds in Christ. It points beyond their persons, humours, and emotions. They are called together to embody ‘an image of Christ’s love for his Church’, as the Nuptial Blessing puts it. They do not place their trust in one another alone, but in God’s faithfulness, to which they wish to be conformed. Thereby an earthly love becomes heavenbound; a temporal attachment becomes somehow eternal.

Humanly speaking it may seem barmy to give oneself up in this way, but not when one lets oneself be carried by God’s power.

Of course, if marriage vows are to last, Christ’s love must remain the marriage’s steady point of anchorage, a constantly nourishing source of growth in freedom, fruitfulness, self-transcendence, and holiness.

This high and radiant goal does not only concern married people. I think of a defining experience in my own life. It took place the day I was elected abbot of my community. According to custom, all the monks renewed their vows. One by one, from the oldest to the youngest, they came up to me, placed their hands between mine, and said: ‘I promise fidelity unto death’. Never have I more clearly realised the dignity of one who offers his life as an unconditional gift. Such a gift structures existence, enabling stability and growth. It just isn’t the same to give a little bit here, a little bit there. And remember: God calls us to perfection, to reach our full stature and realise in ourselves the fullness of Christ Jesus (cf. Eph 4.13). Nothing less.

It goes without saying that we, whatever our state of life, fall short face to face with such an ideal. It is a demanding, a very demanding thing to be a Christian if we take the business seriously. Let us then take courage from today’s collect, a prayer worth learning by heart. In it we ask God in his abundant kindness to ‘surpass the merits and [even] the desires of those who entreat him’, for God, as St John says, is ‘greater than our hearts’ (1 John 3.20). We next ask him ‘to pardon what conscience dreads and to give what prayer does not dare to ask’. This is the sort of filial audacity that should define our lives of faith.

I set out talking about community, saying how hard it is to form one. The Church is a communion in which we are all, without exception, sinners and in which we are all, equally without exception, called to holiness. Here is a twofold principle at once of coherence and hospitable inclusion applicable to all our particular relationships. The angel said to Mary: ‘Nothing is impossible with God’ (Luke 1.37). Indeed. Let us put our trust in him and in nothing else. Amen.

 

The monks of Palendriai striving upward.