Words on the Word
Pentecost
Actes 2:1-11: Chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient.
1 Corinthiens 12:3b-7, 12-13: Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit.
Jean 20:19-23: La paix soit avec vous! Recevez l’Esprit Saint!
Dans l’Histoire d’une âme, Thérèse de l’Enfant Jésus nous raconte une expérience qu’elle a eue durant son noviciat. Quand un jour elle s’est trouvée ‘extrêmement éprouvée’, elle est allée à l’infirmerie chercher une bonne parole auprès d’une vieille moniale, Mère Geneviève, une des fondatrices du monastère. Trouvant deux autres soeurs à son chevet, sachant qu’une visite à trois allait contre le règlement de la maison, elle voulait se retirer. Mère Geneviève, pourtant, s’est aperçu de Thérèse et l’a interpellée avec ces mots:
Attendez, ma petite fille. Je vais seulement vous dire un petit mot. A chaque fois que vous venez, vous me demandez de vous donner un bouquet spirituel; eh bien, aujourd’hui je vais vous donner celui-ci: Servez Dieu avec paix et avec joie. Rappelez-vous, mon enfant, que notre Dieu, c’est le Dieu de la paix.
Tel fut le bouleversement de Thérèse qu’elle s’effondra en larmes, émue par la bonté du Seigneur et par celle de la soeur qui avait su, elle en était sûre, lire dans son coeur comme dans un livre. ‘Le dimanche suivant’, écrit-elle, ‘je voulus savoir quelle révélation Mère Geneviève avait eue. Elle m’assura n’avoir reçu aucune. Alors mon admiration fut encore plus grande, voyant à quel degré éminent Jésus vivait en elle et la faisait agir et parler.’
A première vue, l’évocation de cette rencontre dans une chambre obscure où l’on parlait à voix basse, dans une ambiance parfumée d’ether et de lavande, peut paraître éloignée des événement de la Pentecôte avec ses coups de vents, ses langues de feu, ses voix excitées, sa stupéfaction. En réalité, les deux scènes, nonobstant leur décor différent, concordent parfaitement dans le message qu’elles transmettent. Tout comme les apôtres, Mère Geneviève a su parler le dialecte d’une autre sans bien s’en rendre compte. Comme eux, elle a témoigné des magnalia Dei avec autorité, provoquant, comme eux, une réponse d’émerveillement et d’action de grâce. Elle a fait tout cela, manifestant la présence en elle de l’Esprit de Jésus, dans un calme parfait et avec peu de mots.
C’est à tort que nous associons l’action de l’Esprit avec le tumulte, le bruit, l’extase. Bien sûr, il peut se manifester spectaculairement, mais son modus operandi préféré est caché, tranquille. Songez à son chef d’oeuvre, l’incarnation du Verbe. Les Pères aimaient comparer l’oeuvre de l’Esprit en Marie à la descente de la rosée du matin sur le toison de Gédéon: une image du plus parfait silence. Même Saint Joseph, l’homme d’écoute par excellence, ne s’en rendait pas compte. Songez au miracle que l’Esprit opère à chaque Eucharistie quand, par les mains d’un homme fragile, parfois distrait, il descend sur les humbles éléments du pain et du vin pour qu’ils deviennent le corps et le sang du Christ. En nous approchant à la sainte communion, en tendant la main, en disant ‘Amen’, nous affirmons l’efficacité de son oeuvre transformatrice. Mais quelle discrétion de sa part!
Dans le récit johannique du don de l’Esprit, l’évangile de ce jour, les paroles, ‘Recevez l’Esprit Saint’ vont de pair avec celles-ci: ‘La paix soit avec vous’. Soyons toujours conscients de ce lien. Nous le trouvons également confirmé dans l’évangile de Saint Matthieu. Quand Jésus prépare les douze à leur mission apostolique, il parle de l’opposition qu’ils rencontreront: ‘Ils vous livreront aux tribunaux et vous flagelleront’. Mais il ajoute tout de suite: ‘Ne vous inquiétez pas de savoir ce que vous direz […]. C’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous.’ L’Esprit sait nous rend paisibles aussi dans des circonstances objectivement périlleuses. Sa présence est paix.
L’univers créé par Dieu est un univers paisible et ordonné. L’ordre naturel correspond à l’ordre surnaturel. C’est le même Esprit qui est à l’oeuvre dans les deux. Le chaos, la disruption viennent de nous. Ce sont les fruits du péché, c’est à dire, de la tendance si profondément enracinée en nous, comme une blessure d’âme, à chercher et à créer le désordre. A l’office des laudes ce matin, invoquant l’Esprit Saint, l’Église a prié: ‘Détruis le péché dans le monde!’ Que chacun de nous fasse cette prière à titre personnel, prêt à l’appliquer à sa vie concrète. C’est la meilleure façon de nous ouvrir à l’Esprit Créateur, cet ‘hôte doux de notre âme’ qui apporte réconfort et repos.
Pendant la neuvaine commencée le jour de l’Ascension nous avons chaque jour répété l’invocation: ‘Envoie ton Esprit et tu renouvelleras la face de la terre.’ Quand nous considérons l’état dans lequel se trouve notre terre, qui douterait de la nécessité d’un tel renouveau? Nous avons tous un rôle à jouer. L’Esprit vient nous animer afin de dispenser, à travers notre pauvreté, ses dons à la terre souffrante, pour baigner ce qui est aride, guérir ce qui est blessé. Tout d’abord il faut que chacun de nous devienne son sanctuaire vivant. J’ai connu un vieux moine, un homme lumineux, dont la prière après 70 ans de vie monastique s’était distillée en deux phrases, ‘Saint Esprit mon ami, Saint Esprit mon amour!’ Il les répétait inlassablement, jour et nuit. Comme Saint Antoine le Grand, ce moine ‘respirait toujours le Christ’ en soufflant l’Esprit. Voilà un bel example d’une vie chrétienne scellée par la grâce de la Pentecôte. Puisse cette grâce s’incarner dans nos vies aussi, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.