Ord Om ordet

Jomfru Marias opptagelse i himmelen (vigil)

1 Chron 15:3-4, 15-16, 16:1-2: David rassembla Israël pour faire monter l’arche du Seigneur.
1 Corinthiens 15:54-57: Ô mort, où est ta victoire?
Luc 11:27-28: Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent!

En nous donnant comme première lecture pour cette veille de l’Assomption le récit de la montée de l’Arche à la ville de David, l’Écriture met devant nos yeux un magnifique symbole théologique. L’Arche de l’alliance, c’est la Bienheureuse Vierge Marie qui porta dans son sein le Dieu trois fois saint; l’Assomption signifie son entrée définitive dans la Jérusalem céleste parmi les cris d’exultation d’innombrables légions d’anges. On pourrait passer toute sa vie à contempler cette synthèse d’images, délicieusement riche de sens.

Le symbole pourtant reste enraciné dans une histoire. Dans ce récit il y a aussi, et surtout, David—l’aïeul de la lignée royale dont le Christ est né. Son comportement reste pour nous un exemple à émuler. Comme l’Arche de l’Alliance atteignait Jérusalem, son bonheur était au comble: désormais la Présence divine allait pratiquement demeurer sous son toit. En chef de file, David se mit à bonder et danser devant l’Arche avec abandon, ce qui ne plut pas à tout le monde. Sa femme Mikal, fille de Saül, portée à la stricte observance, trouvait le spectacle ridicule et ‘méprisa son mari dans son coeur’. C’est pour cette raison, nous explique l’Écriture, qu’elle demeurait stérile jusqu’au jour de sa mort; car la fécondité présuppose la liberté de se laisser aller, de faire confiance, d’éprouver et partager l’allégresse. Pour donner la vie, il faut, n’est-ce pas, d’abord savoir la savourer?

David est pour le moine, la moniale, un prototype, structurant leur vie intérieure. Entrer au monastère, c’est, selon une vieille expression bien jolie, ‘entrer en Psalmodie’; et le Psautier que le moine, la moniale, assume comme son ambiance vitale, c’est le chant du roi d’Israël. ‘Mais attendez!’, me diriez-vous: ‘Personne ne croit plus ça, comme autrefois; les Psaumes portent l’empreinte évidente d’influences ougaritique, hittite, cananéenne etc. S’il vous plaît, ne soyons pas naïfs!’ Certes, vous auriez raison; j’estime votre science. Et pourtant, la notion traditionnelle du Psautier davidique est profondément vraie.

Car le Psautier, c’est l’Écriture en miniature, qui fait le tour de la condition humaine depuis la création du monde jusqu’à la fin des temps, depuis la solitude angoissée jusqu’aux chants de noces, vibrant d’espérance messianique. Saint Benoît voudrait que le moine fasse ce tour une fois par semaine, ponctuellement. C’est une exigence immense. Mais le chrétien est appelé à faire sienne l’histoire de la création et de la rédemption dans sa totalité, à la vivre comme l’histoire de sa propre vie. David connut les extrêmes de l’existence. Il est à la fois pécheur et saint, mendiant et roi, pénitent et chantre de gloire. Il représente la dilatation du coeur à laquelle Saint Benoît nous invite, cet élargissement de l’être qui nous rend capables de rester dans la joie même dans la misère, sûrs de l’amour du Seigneur, manifeste dans l’Arche de l’Alliance, le monument d’une promesse historique, faite une fois pour toutes, qui désigne un avenir béni.

Aujourd’hui nous ne fêtons pas uniquement la veille de l’Assomption; c’est aussi le jubilé de profession de Mère Abbesse. Depuis un quart de siècle Mère Emmanuelle danse gracieusement devant l’Arche du Seigneur, et elle ne fait que commencer. Quel motif de joie pour elle, pour nous, pour l’Église, et sûrement aussi pour le Coeur de Dieu, qui, dans la fidélité de notre Soeur et Mère, trouve un beau reflet de la sienne! Pour préparer David à devenir berger d’Israël, la Providence le faisait, pendant sa jeunesse, paître des brebis. Mère Emmanuelle, elle, avait dans sa jeunesse monastique la charge des vaches du monastère. Cela me semble une inculturation raisonnable quand Jérusalem s’est transférée dans le Gers. Aujourd’hui elle se trouve à la tête d’une admirable compagnie de Lévitesses qui jubilent, elles aussi, ‘au son du cor, des trompettes et des cymbales, en faisant retentir des harpes et des cithares’—pour ne rien dire de ces grands éclats de rire si caractéristiques de Boulaur, qui descendent comme une rosée matinale sur tout le village. Aucune trace, ici, du cynique dédain de la princesse saülide penchée par sa haute fenêtre; la fécondité et la force d’attraction de Boulaur sont les fruits d’une option résolument davidique.

La tâche d’une abbesse, dit Saint Benoît dans sa Règle, c’est de conduire les âmes. Les conduire où? Selon le Prologue, à la vision de Dieu sur sa sainte Montagne; selon le pénultième chapitre, à la vie éternelle. Le but de la vie monastique n’est pas seulement de poursuivre, en dansant, l’itinéraire de l’Arche de l’Alliance ici-bas, mais d’arriver à sa destination dans la maison du Père où, selon la formule de Saint Bernard, ‘aucun ennemi n’entre, d’où aucun ami ne part’. Aidons-nous les uns les autres, chemin faisant, par des expressions adaptées de l’encouragement si cher à Saint Benoît. Dans les litanies de Lorette, le titre ‘Arche de l’Alliance’ et suivi immédiatement par un autre qui lui sert de complément: ‘Porte du Ciel’. Que la Vierge Marie, chorégraphe de notre pèlerinage terrestre, nous amène, in tempore opportuno, adéquatement préparés, devant la face du Roi et que là, réunis (qu’à Dieu le plaise) tous ensemble dans le Saint des Saints, nous chantions un cantique éternellement nouveau à sa gloire. Amen.

La communauté de ©l’Abbaye de Boulaur (www.boulaur.org)