Ord Om ordet

23. søndag B

Is 35, 4-7a: L’eau jaillira dans le désert.
Jc 2, 1-5: N’ayez aucune partialité envers les personnes. 
Mc 7, 31-37: Il fait entendre les sourds et parler les muets.

La collecte de ce dimanche culmine en cette intention audacieuse: ‘Accorde-nous la vraie liberté et la vie éternelle’. La liberté est une catégorie chrétienne fondamentale. Elle est au coeur de la proclamation du Christ. Pour beaucoup de ses auditeurs, aujourd’hui comme jadis, ce fait est scandaleux. Songez à la rencontre du Seigneur avec les fils d’Abraham au 8. chapitre de Saint Jean. Ayant entendu les mots, ‘La vérité vous rendra libres’, ils répondent avec colère: ‘Jamais nous n’avons été esclaves de personne. Comment peux-tu dire: Vous deviendrez libres?’ La rédemption offerte leur paraît une insinuation odieuse, ridicule. Jean précise qu’il s’agissait de gens ‘qui avaient cru’. Il étaient attirés en principe par le message de Jésus, mais sans vouloir se mettre en cause. Avec quel acharnement nous refusons de reconnaître nos nécessités! 

L’illusion de l’autonomie est pour l’homme une espèce de vache sacrée. Une partie cruciale de l’itinéraire spirituel est la découverte des éléments de notre vécu, de notre personnalité qui nous tiennent captifs. Ces réalisations sont souvent douloureuses. Pour certains, elles arrivent au début de la conversion; pour d’autres, beaucoup plus tard. Mais nous devons tous passer par là: descendre dans ce que Syméon le Nouveau Théologien appelle ‘l’abîme d’humiliation’ afin d’y reconnaître Jésus, non plus comme rédempteur générique, mais comme mon sauveur, comme celui qui me libère de mes chaînes manifestes ou secrètes, de mes paralysies. C’est une expérience intime. Personne ne peut la faire à ma place. Elle est redoutable et ténébreuse d’aspect. Pourtant elle nous amène vers une lumière nouvelle et joyeuse.

Nos lectures présentent trois formes de liberté acquise. L’évangile est le texte le plus descriptif. Un homme est amené devant Jésus. Il ne sait ni parler, ni entendre. Il est coupé de la conversation humaine, réduit à un état d’isolement. Notez qu’il ne cherche pas Jésus de sa propre initiative. Il est amené par d’autres, qui agissent à sa place. Voilà une tâche capitale de la communauté des croyants: espérer à la place du frère, de la soeur qui ne réussit plus à espérer de ses propres forces. Jésus accueille le sourd-muet avec la délicatesse qui caractérise sa douce providence. Il ne propose pas une guérison fulgurante au milieu de la foule. Conscient de la vulnérabilité de l’autre, il l’emmène à l’écart, dans une confidentialité parfaite. Inutile de proférer de belles paroles: l’homme n’est pas capable de les entendre. Jésus trouve donc un autre langage qu’il saura comprendre, le réveillant de sa solitude. Lui, le Verbe par qui tout fut fait, agit en silence, tout comme il faisait au début en créant Adam, seul parmi ses créatures à émerger du non-être à l’être non par un mot d’ordre mais par le toucher et le souffle. La guérison s’opère comme une re-création. Elle libère le sourd-muet des contraintes de sa maladie. Fut-elle du corps ou de l’âme? Qui sait. En tout cas, celui qui, jusqu’à ce moment, est resté passif, se met à communiquer. Ses oreilles s’ouvrent, sa langue se délie. La mal qu’il croyait chronique n’était pas, après tout, irrémédiable. Le vacarme qui en résulte nous laisse deviner l’exultation de son coeur.

En Isaïe, la libération se manifeste intérieurement. Elle réanime la foi endormie. Le contexte est une expérience collective de violence, voire de destruction. Israël a dû confronter les conséquences de ses mauvais choix. Le pays autrefois florissant paraît dévasté. Tout n’est qu’une terre aride sans perspectives de fécondité. C’est le peuple entier qui a l’impression d’être sourd et aveugle: Dieu, où est-il? Pourquoi n’agit-il pas? Nos discours pieux d’autrefois, n’étaient-ils donc qu’une auto-illusion? La parole prophétique énoncée en réponse est paradoxale. Elle proclame aux gens accablés par la faiblesse: ‘Soyez forts!’, au peureux: ‘Ne craignez pas!’ Autrement dit: ‘Ne restez pas prisonniers de votre sentiment. Ne cédez pas à l’angoisse; n’y obéissez pas. Découvrez la force qui vous habite malgré tout. Décidez de croire!’ Il peut nous arriver d’attendre tristement une consolation céleste qui demeure élusive quand ce qu’il nous faut en fait est un bel acte de foi qui nous permet de redécouvrir un espace de liberté intérieure que nous croyions, bien à tort, perdue à jamais. Vous savez, frères et soeurs: la terre brûlante peut se changer en lac. Mais il faut d’abord faire l’option pour l’eau vive. 

L’Épître de Saint Jacque, enfin, évoque la libération de nos préjugés sociaux. L’apôtre nous exhorte à poser sur le monde et sur les gens qui nous entourent, de loin ou de près, un regard vierge. Nos idées de pauvreté et de richesse, de mérite et de déficience sont relatives. Le Seigneur trouve sa joie, une joie presque enfantine, à les bousculer. Il renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles. ’N’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi?’, demande Saint Jacques. Mais bien sûr! On ne réserve pas une place au royaume à l’avance selon des critères mondains. Le royaume est promis par le Seigneur ‘à ceux qui l’auront aimé’. Puissions-nous être parmi ces gens-là: pauvres et confiants, sachant quel est le don de Dieu, capables de le recevoir librement et sans complexes. Amen.