Ord Om ordet

3. søndag i advent

Prekenen ble holdt på fransk. Du finner en engelsk oversettelse litt lenger ned på siden. 

Is 61.1-11: Le Seigneur m’a consacré par l’onction.
1 Th 5.16-24: Rendez grâce en toute circonstance.
Jn 1.6-28: ‘Es-tu le Prophète annoncé?’ ‘Non.’

Le dimanche Gaudete manifeste une douceur que la liturgie romaine sait exprimer maternellement. Par des signes sensibles — le son de l’orgue, les fleurs, les ornements roses, cette extravagance de sacristie — l’Église nous tire en avant, nous aiguille, nous rappelant que le Seigneur est proche. La collecte évoque notre attente fidèle de joies ‘futures’. Elle précise pourtant que cet état de suspension est marqué dès maintenant par une réjouissance vivace, alacri lætitia, qui doit nous caractériser semper, ‘toujours’.

La formule est entraînante. Elle est aussi exigeante. Elle m’invite à me poser la question: Qu’est qui bloque en moi l’épanouissement de la réjouissance? Qu’est-ce qui empêche l’eau vive de sourdre et de couler?

La réjouissance à laquelle nous sommes appelés n’est pas une affaire seulement de la bonne ambiance ou de la bonne humeur. L’Église nous laisse aujourd’hui contempler Jean Baptiste, dont le destin fut tragique. La joie ne présuppose pas une vie facile. Jean est le prototype de la vocation monastique. Il y a pour cela de nombreuses raisons. L’évangile le présente comme un prédestiné: un homme pour lequel Dieu avait conçu un projet de vie pour le bien de son peuple. La vocation de Jean nous aide è croire en la nôtre, à construire notre existence sur la certitude hardie, autrement présomptueuse, que le Créateur du ciel et de la terre ait voulu, dès l’éternité, poser son regard sur nous, des grains de poussière, en vue d’une tâche à nous confier. Jean nous invite à nous émerveiller du mystère de l’appel, d’en rendre grâce. À part cela, son austérité de vie, son courage prophétique, son accueil des nécessiteux, sa persévérance par de longues périodes d’obscurité, voire de perplexité, le rendent apte à nous servir de modèle.

Mais il y a aussi une autre considération, plus intérieure, que je voudrais mettre en évidence. Elle est pertinente pour notre propos chrétien aujourd’hui. 

Je pense à l’attitude que Jean assume devant les prêtres et les lévites qui demandent avec urgence: ‘Qui es-tu?’ Ils avaient en tête des catégories familières auxquelles, pensaient-il, le Baptiste devrait correspondre. Jean n’entre pas dans ce jeu. Il ne donne aucune réponse affirmative. Au contraire, il répond par de nettes négations, par un ‘Je ne suis pas’ trois fois répété. Cette inconnaissance ne le remplit pas d’angoisse; elle le libère d’être emprisonné en lui-même, l’ouvrant à une grâce de devenir dont la source est ailleurs. Lui, le Précurseur du Verbe, déclare: ‘Je suis la voix de celui qui crie dans le désert’, qui au début, quand tout était informe et vide, cria, ‘Que la lumière soit.’ Et la lumière fut. Être l’articulation potentielle d’une parole créatrice: voilà le sens de la mission prophétique de Jean.

C’est l’accomplissement adulte du tressaillement de joie qu’il connut pré-rationnellement, encore embryon, à l’approche du Verbe incarné.

Un moine, c’est un homme qui aspire à vivre ainsi, recevant chaque jour à nouveau, comme un cadeau, son identité profonde, sa vraie forme, se plaisant à être argile entre les mains tendres et fermes du potier, dont le but créateur lui demeure mystérieux, mais dont il sait qu’il sera beau. L’évangéliste Jean, qui nous présente le Baptiste déclarant, ‘Je ne suis pas’, aura au soir de sa vie une sublime vision. Aux fidèles pris par les luttes qui composent la vie dans ce monde il entend dire l’Esprit de Dieu: ‘Au vainqueur je donnerai un caillou blanc, et, inscrit sur ce caillou, un nom nouveau que nul ne sait, sauf celui qui le reçoit’ (Ap 2.17).

Au fur et à mesure que nous apprenons un peu à prier, que nous comprenons un peu ce que c’est que la vie chrétienne, nous réalisons que nous ne connaissons pas encore notre vrai nom; mais que cela n’est pas grave, car Celui qui nous a faits, qui nous appelle, Lui, il sait notre nom. Il s’acharne à nous le révéler. Il veut que nous devenions une voix apte à le prononcer. Ce nom, c’est la venue particulière du Verbe à chacun de nous, l’avent existentiel dont parlait avec admiration S Bernard. Redressons les chemins du vrai nom en nous dépouillant d’autres noms éphémères imposés par nos histoires, nos blessures, nos mérites et nos échecs. Restons à l’écoute, attentifs et alacri lætitia, de celui qui vient accomplir ses desseins en nous, afin que, en tout aspect de notre être, Dieu soit glorifié. 

Il est vital, Frères, de rendre témoignage à un monde aveuglé de la liberté et de la joie portées par cette optique de vie. Les grandes querelles identitaires qui nous entourent nous inspirent la peur, peut-être, et cela non sans raison; mais elles doivent encore nous inciter à la tendresse. Seul qui se sait porté par une bienveillance toute-puissante peut dire: Je ne sais pas qui je suis ni ce que je deviendrai, mais je sais que je suis aimé. Voilà le seul remède à tant de maux dont la vraie racine n’est peut-être pas tant l’idéologie que le désespoir. Amen. 

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Gaudete Sunday is marked by a sweetness that the Roman liturgy expresses with maternal expertise. By sensible signs — the sound of the organ, the reappearance of flowers, rose-coloured ornaments, that extravagance of the sacristy — the Church pulls us forward and orients us, reminding us that the Lord is close. The collect evokes our faithful waiting for ‘future’ joys. At the same time it insists that our current state of suspension is infused with a lively gladness, alacri lætitia, that should fill us semper, ‘at all times’.

It’s a bracing formula. It is also demanding. It invites me to ask myself: What in me blocks joy? What keeps living water from surging up and flowing?

The gladness to which we are called is not a matter just of a good atmosphere or good humour. Today the Church asks us to contemplate John the Baptist, whose destiny was tragic. Joy does not presuppose an easy life. John is the prototype of the monastic vocation. There are several reasons for this. The Gospel presents him as predestined, a man for whom God had conceived a project of life for the good of his people. John’s vocation helps us to believe in our own, to construct our existence on the assumption, otherwise apparently presumptuous, that the Creator of heaven and earth should from all eternity have fixed his gaze on us, specks of dust, intending to entrust to us a task. John invites us to wonder at the mystery of the call, to give thanks for it.

Apart from this, his austere life and prophetic courage, his outreach to the needy and his perseverance through long periods of darkness, even of perplexity, make him an apt example and model. There is, though, a further consideration, one more interior, I’d like to underline. It is pertinent to the challenge of living a Christian life today.

I think of the attitude John assumes before the priests and levites who ask him urgently, ‘Who are you?’ Their minds were filled with familiar categories to which they presumed the Baptist must correspond. John doesn’t play their game. He gives no affirmative answer. On the contrary, he replied by way of negations, by an ‘I am not’ thrice repeated. This unknowing does not fill him with anguish. It liberates him from imprisonment in himself, opening him up to a grace of becoming whose source is outside himself. He, the Precursor of the Word, exclaims: ‘I am the voice of him who cries in the wilderness’, who at the beginning, when all was void and formless, cried, ‘Let there be light’. And there was light. To be the potential articulation of a word of creation: this is the sense of John’s prophetic mission. It marks the adult accomplishment of that leaping joy he knew pre-rationally, still an embryo, at the approach of the Word made flesh.

A monk is a man who aspires to live on these terms, receiving each day anew, as a gift, his deep identity, his true form, happy to be clay between the firm and tender hands of the potter whose creative intention is unknown to him, but about which he knows this one thing: it tends towards something beautiful.

The Evangelist John, who describes to us the Baptist declaring, ‘I am not’, had a wonderful vision in the evening of his life. To the faithful caught up in the battles that make up life in this world, he heard the Spirit of God say: ‘To him who conquers I will give some of the hidden manna, and I will give him a white stone, with a new name written on the stone which no one knows except him who receives it’ (Rev 2.17). As we get some notion of what prayer might mean, as we start to see more or less what the Christian life is, we realise that we’ve no idea, in fact, of our true name; but we see at the same time that it doesn’t matter, for he who made us, who calls us, who stays ever faithful, knows what our name is. He is determined to reveal it to us. He would have us become a voice able to pronounce it. This name is the particular advent of the Word to each one of us, that existential advent that so fascinated St Bernard. Let us prepare the way for our true name by shedding other, ephemeral names imposed by our history, our wounds, merits, and failures. We would do well to be attentively listening out, alacri lætitia, for him who comes to accomplish his designs is us, so that in every aspect of our being God may be glorified.

It is vital, brethren, to witness to our blinded world of the freedom and joy inherent in this outlook on life. The great identity wars that are fought round about us fill us with anxiety, perhaps, and not without reason; but they should no less inspire tenderness. Only one who knows himself carried by an all-powerful benevolence can say, ‘I know neither who I am nor what I shall become, but I know that I am loved’. That is the only remedy for ills whose deepest root is perhaps not so much ideology as despair. Amen.

The Baptism of Jesus in Pasolini’s The Gospel according to St Matthew