Ord Om ordet
4. søndag i advent
Michée 5:1-4a: Il sera leur berger par la majesté du Nom du Seigneur.
Hébreux 10:5-10: Tu m’as formé un corps. Me voici pour faire ta volonté.
Luc 1:39-45: Heureuse celle qui a cru.
Gratiam tuam, quæsumus, Domine, mentibus nostris infunde, ut qui, Angelo nuntiante, Christi Filii tui incarnationem cognovimus, per passionem eius et crucem ad resurrectionis gloriam perducamur.
La collecte que l’Église nous donne pour ce quatrième dimanche de l’Avent est celle qui conclue la prière de l’Angélus. Nous la récitons trois fois par jour. Elle structure notre vie. Quelle merveille que l’Angélus! Cette simple sonnerie transcende tout ce qu’un pauvre prédicateur puisse dire. Par elle, l’axe vertical de l’existence s’affirme mélodieusement. Le mystère du salut se concrétise, révélant la vocation de tout l’univers. Dans La Jeune Fille Violaine de Claudel, première version de L’Annonce faite à Marie, le message de l’Angélus est explicité par les trois voix qui chantent une douce polyphonie à la fin de la pièce. Au premier coup: ‘L’ange de Dieu nous avertit de la paix, et l’enfant tressaille dans mon sein.’ Au deuxième coup: ‘L’homme sort le matin, et il rentre le soir; et la terre s’étend autour de ses portes.’ Au troisième coup: ‘Chante, la trompette! et le monde se dissipera comme de la cendre.’ Après les trois coups, précise Claudel, doit s’ensuivre un ‘profond silence’. La monodie rythmée d’une humble cloche nous rappelle les élans nés du don de la vie, de la laborieuse condition humaine, de l’attente eschatologique, culminant dans une paix sonore.
Dans la collecte nous prions, selon le missel, pour que la grâce du Seigneur se répande ‘en nos coeurs’. Cette traduction est paraphrastique. ‘Mentibus nostris’ dit le latin. Il s’agit da la faculté de l’intelligence. L’intelligence est normalement portée à se déployer horizontalement, à essayer de comprendre le sens de ce monde et les relations qui s’y configurent. Nous avons besoin de la grâce pour que l’intelligence s’élève vers le haut, sensibilisée, justement, à l’annonce de l’Ange: une Vierge concevra et portera un Fils dont le nom sera Jésus, c’est à dire, ‘Sauveur’. Le salut s’effectuera ‘par sa passion et par sa croix’. Oui, c’est la croix qui doit amener le Fils de Marie à une mort qui élimine l’aiguillon de notre mort. Ce paradoxe salvifique nous fait entrevoir ‘la gloire de la résurrection’. L’annonce de Noël est ainsi pleine de résonances pascales. L’incarnation du Verbe porte un caractère secrètement cruciforme. Elle réalise la fine pointe où les axes vertical et horizontal ne font qu’un tout un. Là, l’éternité fait irruption dans le temps.
Cette dynamique est présente dans les textes que nous avons lus. Michée, qui prophétisait pendant un temps de décadence en Israël, parle d’abord de la survie du ‘plus petit des clans de Juda’. Sa survie est importante en vue de l’accomplissement d’un dessein divin. Car ‘c’est de toi’, dit le prophète, que sortira le berger d’Israël qui porte ‘la majesté du Nom du Seigneur’. De nos jours, la survie même de l’humanité est en cause sous la menace des tendances qui rendraient notre terre inhabitable. C’est indispensable que nous nous engagions, solidaire de nos frères en humanité. Chrétiennement parlant, pourtant, la continuation de notre race n’est pas un but en soi. Pour que l’humanité connaisse le bonheur, l’harmonie, la fécondité et la paix, elle doit correspondre à sa finalité, répondre à sa vocation. L’écologie aussi doit se verticaliser comme ces vieilles flèches d’église qui se terminent en une croix.
La Lettre aux Hébreux pose le défi en termes individuels. Le Christ dit: ‘Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps’. Ce corps va devenir le Temple nouveau. Les hommes peuvent faire tout ce qu’ils veulent pour le détruire. Le troisième jour il se redressera comme lieu de propitiation et de grâce, inébranlable jusqu’à la fin des temps. Incorporés dans le Christ, nous faisons partie du Temple en tant que pierres vives. Avec le Christ, nous acclamons émerveillés: ‘Tu m’as formé un corps!’ Cet émerveillement est partagé par notre société athée qui, pourtant, a perdu la mémoire de la provenance du corps et ne le voit plus comme étant à l’Image d’une éternelle, personnelle Bienveillance. Le corps, détaché de l’Image, se trouve à la merci des penchants surréalistes de l’imagination humaine. L’approche de Noël nous rappelle que le corps, ce cadeau magnifique, nous est donné pour que, par son instrumentalité, nous accomplissions, comme Jésus, la volonté du Père. Le corps est le moyen du salut de l’âme, mais il est appelé, lui aussi, à une transfiguration glorieuse.
L’évangile raconte la rencontre de deux femmes enceintes, porteuses de mystères. ‘Heureuse celle’, s’exclame Elisabeth, ‘qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur.’ Autrement dit: heureuse celle qui, courageuse, intelligente, sereine, sait conduire sa vie ici-bas selon des principes révélés d’en haut, disant ‘Oui’ à un appel encore obscur, se fiant à la luminosité dont l’appel procède. Nous avons tous reçu un appel — objectivement, par les sacrements de l’Église qui nous consacrent au service divin; subjectivement par la providence de Dieu dans nos vies, qui se fait plus ou moins clairement sentir selon les étapes de notre pèlerinage terrestre. Faisons confiance à l’appel. Rejetons l’attitude de méfiance cynique caractéristique d’un monde qui veut à tout prix renier la transcendance de laquelle, pourtant, le coeur humain a tant soif. Ces derniers jours de l’Avent nous veulent alertes à la logique cruciforme de notre vie, conscients que, quand l’Angélus sonne, il porte l’annonce non seulement à Marie mais aussi à vous et à moi. Amen.