Ord Om ordet
Guds Mor Maria
Prekenen ble holdt på fransk. Du finner en engelsk oversettelse ved å trykke på «English» øverst til venstre på skjermen.
Nombres 6:22-27: Que le Seigneur te prenne en grâce!
Galates 4:4-7: Pour que nous soyons adoptés comme fils.
Luc 2:15-21: L’enfant reçut le nom de Jésus.
Pour Noël j’ai reçu un documentaire sur une jeune femme morte en 2013, en odeur de sainteté. La vie de Claire Émerentienne Fichefeux, dont le procès de béatification est imminente, a commencé dans un abîme de souffrance. Trisomique, elle fut abandonnée par ses parents biologiques. Elle a vécu le début de son existence isolée, sans attachements. Quand elle arriva chez ses parents adoptifs elle était amaigrie et ‘toute ratatinée’. Elle n’avait, paraît-il, jamais pleuré. A neuf mois, elle était ‘desséchée, ridée comme une petite vieille.’ Et elle ne voulait pas manger.
Une amie de la famille raconte, dans le film, un souvenir qui me hante. Arrivée un jour chez les Fichefeux à l’heure du biberon du matin, cette dame a vu l’enfant regarder autour d’elle ‘avec une détresse incroyable, comme si elle était submergée par une vague de détresse qui venait du plus profond d’elle’. Je vous rappelle: l’enfant avait neuf mois! Elle refusait de boire. Ses parents adoptifs, pourtant, persistaient avec douceur, disant, ‘Mange, Claire, nous voulons que tu manges!’ Elle a fini par céder. C’était, dit le témoin, ‘comme un oui à la vie’ malgré tout, comme si Claire disait: ‘Oui, vous allez m’aimer et votre amour sera plus fort que la douleur qui me ligote.’
Pourquoi vous évoquer cette scène? Premièrement, par ce qu’elle représente en termes modernes et étonnamment pertinents une parabole biblique sur la gratuité du salut. Je pense à ce puissant passage en Ézéchiel (au 16ème chapitre) où le Seigneur dit à Israël: ‘Au jour où tu vins au monde, nul n’a tourné vers toi un regard de pitié, on ne te frotta pas de sel. Tu fus jetée en pleine campagne. Je passai près de toi et t’ai vue te débattant dans ton sang. Je te dis: ‘Vis!’’ Tous, nous avons été, devant Dieu, cet enfant; tous, nous avons reçu cet appel à vivre, à opter pour la vie en plénitude. Le jour de l’an, il est bien d’y penser pour en rendre grâces.
Deuxièmement, l’histoire de Claire Émerentienne nous présente un aspect cruciale de la relation d’un enfant à ses parents — et nous célébrons aujourd’hui la fête d’une maternité. En contemplant la Mère de Dieu nous courons le risque d’adopter un point de vue qui est, soit très abstrait, soit très sentimental. Bien sûr, il faut garder présente la dimension métaphysique du mystère: que le Verbe éternel, ‘Lumière de Lumière’, soit né d’une femme toute de chair et de poussière, comme nous, donne le vertige. Il faut aussi méditer sur la douceur de Marie, manifeste de manière si touchante dans les nombreuses crèches qui remplissent votre maison.
Pourtant, la dimension essentielle de sa maternité est celle-ci: entre ses bras le Tout-puissant a voulu se rendre faible, lui aussi ligoté, livré aux soins de sa Mère, attendant qu’elle lui dise ‘Vis!’ et lui en donne les moyens. Être mère, être père, ne se limite pas à l’acte génératif; est mère ou père qui affirme la vie de l’enfant, qui permet que cette vie se réalise dans son irréductible altérité. Pour Claire la vraie filiation a eu lieu dans l’adoption. Aussi est-ce frappant que Saint Paul lie la maternité physique de Marie au rachat par lequel vous et moi sommes ‘adoptés comme fils’. Sur nos coeurs desséchés, sur nos vieillesses prématurées, le Seigneur souffle son Esprit en disant, ‘Vis!’, nous invitant à lui dire Abba, ‘Père’. Ce miracle se manifeste dans l’Église, notre Mère, dont Marie est l’image incarnée.
Autrefois, dans notre Ordre, quand une fondation se faisait, les fondateurs partaient en portant une croix avec l’inscription, ‘Vive Jésus!’ Rien de purement formel en cela. Pour que Jésus vive en nous, parmi nous, il faut lui donner, comme Marie le fit devant l’ange, notre libre consentement, à confirmer continuellement par nos actes. La maternité de Marie nous concerne. Par la consécration mariale de l’Ordre nous voulons construire nos vies selon une logique maternelle dont nos Pères proposaient l’exégèse à travers leur prédilection pour Noël. Vive Jésus! Tous les jours, Dieu vient à la recherche de notre Oui à sa vie en nous: ‘Vis, Jésus!’
Cette empreinte mariale formera aussi la vie fraternelle. Un terme crucial par lequel NSP Benoît désigne les relations entre frères est la parole ‘honor’. Elle désigne un élément basique pour la construction de l’école de charité à laquelle les Pères cisterciens voulaient donner naissance. Car la charité ne se réduit pas au domaine affectif. L’affection ne se commande pas. Honorer son frère: le propos est noble et exigeant. Il s’agit de reconnaître et d’affirmer l’unicité de l’autre; de s’incliner devant le mystère qu’il incarne par sa vocation et par sa liberté; d’accueillir en lui la présence du Christ; de le regarder avec espérance et lui dire, ‘Vis! Je veux que tu sois!’ Ainsi l’axe vertical et christocentrique de notre vie sera authentifié par nos relations horizontales et fraternelles.
Puisse l’intercession de la Mère de Dieu nous aider, cette année, à vivre ainsi, à consoler, par nos choix, la détresse de ce monde et à témoigner de la grandeur féconde de la vie en Christ.